Contexte le frère Adam:
Cela va peut-être surprendre quelques unes des personnes qui connaissent mon goût à bouffer du curé, selon l’expression consacrée qui ne s’utilise plus beaucoup d’ailleurs, mais j’ai fait toute ma scolarité dans une école catholique gérée par des frères. Il s’agissait de l’école des Francs-Bourgeois sise dans le quartier du Marais à Paris. Je ne sais pas qui gère l’école maintenant. J’imagine que les frères ont laissé la place à des diplômés en management, la ceinture bardée de MBA’s. Bon ceci est un autre débat. Juste un petit rappel, les frères ne faisaient pas vœu de chasteté même si tous étaient célibataires. Et j’aime à rappeler l’anecdote du frère qui s’est barré avec la psychologue de l’école. J’espère qu’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants (vu leurs âges au moment de l’escapade, j’ai des doutes).
Il y avait une hiérarchie dans les frères. Ceux du bas de l’échelle dans la fraternité on les appelait « Cher frère » pour s’adresser à eux. Ceux en haut de la hiérarchie c’était « Très cher frère », tout ça ne s’invente pas. Bon, pourquoi je raconte tout ça allez-vous me dire. Et bien tout simplement parce que j’aimerais ici écrire sur le plus célèbre frère apiculteur. Je veux parler de frère Adam et d’après moi il mérite plus que largement qu’on l’appelle « Très cher frère » !
Qui est frère Adam ?
Petit rappel pour ceux qui ignoreraient qui est le frère Adam. C’est lui qui « inventa » l’abeille Buckfast du nom de l’abbaye dans le Devon où notre très cher frère s’occupait des ruches. Tout ça avec les succès qu’on connaît pour le plus grand plaisir des uns et le plus grand désespoir des autres…Il a été apiculteur de 1915 à 1996, année de sa mort. Belle longévité.
Ma méthode d’apiculture :
Premier livre lu : la méthode d’apiculture de frère Adam. Pas de scoop, surtout que le frère ne rentre pas dans les détails. La loi du secret ayant cours chez beaucoup d’apiculteurs. Je retiens toutefois que le frère a sélectionné pour ses élevages des ruches Dadant 12 cadres pour la puissance qu’elles donnent au couvain. Bonne pioche, c’est aussi mon choix ! Un seul critère (ou presque) retenu pour l’évaluation des colonies : la productivité. Et là on se met à rêver. Des années lambda à 80 kilos par ruche, des pointes à plus de 100 kilos. Tout ça dans le Devon c’est à dire une région de l’Angleterre froide et pluvieuse et avec 2 miellées : trèfle et bruyère (les ruches sont transhumées pour la bruyère). On apprend aussi qu’en 1915 quasiment toutes les ruches d’Angleterre ont été ravagées par…l’acariose ! Sûrement pas Varroa destructor arrivé par chez nous dans les années 80, mais un acarien donc. Comme quoi on n’invente jamais rien. Sinon ce bon frère remplaçait ses reines tous les ans, là encore on n’a rien inventé. Et horreur des horreurs le frère pratiquait le clippage des reines ! Pour ceux qui l’ignorent cela consiste à couper le bout des ailes des reines pour parer à toute velléité d’essaimage. Le rognage des ailes des oiseaux adapté aux abeilles en quelque sorte. On dira pour être sympa que personne n’est parfait ! Au final pas un bouquin indispensable pour l’apiculteur, plus un livre à lire avec un œil d’historien de l’apiculture.
A la recherche des meilleures races d’abeilles :
Le travail du frère est très impressionnant ! Il a en gros sillonné l’Europe et l’Afrique du nord à la recherche des différentes races d’abeilles pour en établir les caractéristiques positives ou négatives. Cela dans l’optique de croisements pour obtenir la ou les meilleures races d’abeilles possibles. C’est comme ça que frère Adam a développé la Buckfast. Les critères retenus sont en premier lieu la productivité puis la puissance du couvain, la propension à l’essaimage, la douceur, la tendance à propoliser, la qualité des constructions, la tenue sur cadre… On est bluffé par la qualité des observations et on imagine tout le travail de sélection effectué à l’abbaye une fois toutes les reines récoltées tout au long du road trip du frère. Tout ça effectué dans les années 50 et 60. Je note que frère Adam n’est pas hyper clair dans ses explications sur le rôle du métissage dans la qualité des colonies mais peut-être que je n’ai pas tout compris. D’un côté il recherche des races endémiques ayant gardé leurs spécificités de par leur isolement ce qui implique une certaine dose de consanguinité et de l’autre il vante les mérites de l’heterosis. Ça me donne l’impression qu’il recherchait la pierre philosophale ce qu’il semble avoir trouvé avec la Buckfast. En fait il manque toute la partie de sélection qui est juste esquissée. On comprend qu’il a croisé dans tous les sens mais je suis curieux de savoir comment il y arrivait sachant la difficulté de se faire féconder les reines par des mâles d’intérêt et cela sans habiter sur une île. Je crois avoir compris qu’il pratiquait l’insémination artificielle ce qui expliquerait tout. Cela aurait mérité de faire partie d’un troisième livre sur la genèse de l’abeille Buckfast. Je suis donc resté sur ma faim.
Petit supplément :
On notera aussi que lors de ses visites le frère met souvent en exergue le rôle joué par un prédateur des abeilles j’ai nommé le frelon ! Et pour information, à ceux qui font une fixation sur le frelon asiatique je les informe que le frelon européen n’est pas en reste loin s’en faut et que si les hivers doux continuent à sévir on risque de se retrouver avec une surpopulation de frelons européens en fin d’été avec un effet délétère sur nos colonies. La raquette de badminton a de beaux jours devant elle.
P.S.:
Au début du xxe siècle, en Angleterre, les populations d’abeilles étaient décimées par un acarien microscopique (acarapis woodi). Ce parasite qui envahit les tubes trachéens des abeilles et raccourcit leur vie, a tué des milliers de colonies dans les îles britanniques.