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Changement climatique

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L’impact du changement climatique

Peu importe comment on l’appelle : réchauffement ou changement climatique. Il faut maintenant faire avec. Déjà que l’apiculteur est confronté à bien des challenges il doit maintenant gérer un paramètre sur lequel il n’a aucune prise.

Rappel d’apiculture :

L’apiculture est basée sur le lien étroit qu’il existe entre l’animal et le végétal. Une grande majorité de plantes ont besoin des insectes, et des abeilles mellifères en particulier, pour la pollinisation. En parallèle, les abeilles ont besoin des plantes pour leurs besoins en nectar (pour la production de miel) et en pollen (pour le développement du couvain). Et tout cela fonctionne très bien si floraisons et développement des colonies sont synchrones.

Les insectes n’ont pas de système de régulation de température, ils sont poïkilothermes. Donc ils ont besoin d’une certaine température extérieure pour devenir actifs. Par exemple, en hiver on peut aisément voir voler des abeilles par des températures de 10°C. Les bourdons qui ont une « fourrure » plus épaisse volent à des températures inférieures.

Au cours d’un hiver normal les quelques journées où les températures sont suffisamment élevées pour permettre aux abeilles de voler, celles-ci sortent de la ruche pour un vol de propreté. Il faut savoir que les abeilles, sauf maladie, ne font aucun besoin dans la ruche. Les déchets sont stockés dans l’ampoule rectale et le vol de propreté permet aux abeilles de vider cette ampoule en-dehors de la ruche pour ne pas la souiller. Les abeilles peuvent rester plusieurs semaines sans sortir si les températures ne leur permettent pas. Là, tout est normal.

Si maintenant les journées chaudes s’enchainent en hiver alors on verra les butineuses s’affairer en-dehors de la ruche. Avec quel objectif ? Là est bien le problème, il n’y a ni nectar à butiner ni pollen à collecter. Mais une butineuse reste une butineuse et elle va donc explorer son environnement à la recherche d’éventuelles ressources. Rien de grave au demeurant. Et bien si parce que les abeilles dites d’hiver vont ainsi raccourcir leur espérance de vie. Ce sont ces abeilles d’hiver qui assurent la survie de la colonie aux moments les plus rugueux de l’année et doivent effectuer la transition avec les abeilles d’été qui naitront 21 jours après que la reine a repris sa ponte. C’est-à-dire dès que les premiers pollens sont disponibles (chez nous le pollen de noisetier).

Si les conditions météorologiques sont favorables pas de souci. Mais si l’hiver joue les prolongations en mars et avril alors la colonie peut disparaitre faute de nouvelles abeilles en quantité suffisante pour chauffer le couvain.

Les plantes de leur côté sont également tributaires des températures pour que les bourgeons débourrent ou produire des fleurs pour les plus précoces. Mais contrairement aux insectes tout ça ne se fait pas instantanément. Et la conséquence va être une désynchronisation entre le développement de la colonie et la disponibilité des ressources florales (incluant les arbres bien sûr !).

Autre souci lié à des hivers doux, c’est l’absence d’arrêt de ponte durant cette période. Cela signifie que le varroa trouvera tout au long de l’année du couvain pour se développer. Du coup certains apiculteurs en plus d’encager leurs reines après la dernière récolte se retrouvent à faire des traitements hivernaux à l’acide oxalique à répétition. Outre que cela a un coût, c’est à mon sens une lutte perdue d’avance contre le varroa.

Que faire ?

Quelles sont donc les réponses que l’apiculteur peut amener à ce problème de changement climatique.

Une première action est de diversifier les ressources florales. Planter des espèces soit à floraison plus précoce soit des espèces adaptées à des températures plus élevées en hiver. Mais attention à ne pas introduire des espèces à développement précoce qui ne supporteraient pas des températures négatives. Le retour d’un vrai hiver avec un gel profond et durable et adieu les plantations couteuses. Il faut favoriser les plantes et arbres rustiques adaptés à sa région. Réchauffement ou pas un hiver rugueux reviendra forcément et là attention à la casse.

Une deuxième action c’est adapter ses pratiques apicoles. J’avais coutume de mettre mes colonies en hivernage au plus tard au premier octobre. Maintenant c’est couramment mi-octobre voire fin octobre. Idem pour la visite de printemps. La coutume est de dire que dès qu’il y a 3 jours à plus de douze degrés alors on peut effectuer la première visite. En 2024 cela voudrait dire de faire cette visite début février ! Cela n’a pas de sens évidemment et pour au moins 3 raisons. La première c’est que l’hiver est loin d’être fini. La deuxième c’est qu’avec le noisetier il y a des ressources en pollen mais celles en nectar arriveront bien plus tard. Enfin à ce stade hors de question de penser à commencer à développer la colonie.

Par contre ce que je fais systématiquement depuis 3 années maintenant c’est de vérifier l’état des réserves au plus tôt dans la saison. Les cadres de réserves se trouvant en rive on peut aisément les regarder sans trop déranger la colonie. Il s’agit d’aller vite bien sûr. En 2024 j’ai effectué cette opération début février. Cela me permet de savoir quelles sont les colonies auxquelles je dois donner du candi. La vraie visite dite de printemps interviendra plus tard mais probablement avant mi-mars c’est-à-dire de façon concomitante avec les premières rentrées de nectar.

Le point critique du changement climatique :

Je dirai que l’augmentation des températures moyennes peut être source de problème pour l’apiculture. Mais de mon point de vue le facteur le plus important est la disponibilité de l’eau. Ici en Haute-Ardèche nous avons subi plus d’une année de sécheresse. Celle-ci a commencé en juin 2022 et ne s’est vraiment terminée qu’en octobre 2023 avec le retour de pluies abondantes. Cette sécheresse associée à des températures élevées est une catastrophe à la fois pour la végétation et les animaux. D’ailleurs en 2022 cela s’était traduit pas des colonies en stress dont la plupart n’ont pas produit d’abeilles d’hiver faute de ressources avec comme corolaire une grosse perte hivernale. Cette année est tout autre et début février 2024 toutes mes colonies sont vivantes.

En conclusion :

Que faire face au changement climatique, un phénomène qu’on ne contrôle pas ? Les réponses sont peu nombreuses mais il y a au moins une chose que l’apiculteur peut faire c’est adapter sa pratique. Si demain en Haute-Ardèche les conditions météorologiques ne permettent plus un arrêt de ponte en hiver alors il y aura des choix à faire. Personnellement si la survie de mes colonies passe par l’encagement des reines et/ou des traitements hivernaux à répétition alors j’arrêterai l’apiculture. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il arrivera un moment où toutes les techniques ne suffiront plus. Ou elles auront un coût prohibitif et alors on assistera à la fin de l’apiculture. Nous n’en sommes pas encore là. Mais l’apiculture dans certaines régions qui cumulent pesticides, manque de biodiversité, sécheresse et frelon asiatique ont des soucis à se faire à très court terme.

Pour aller plus loin je vous recommande la lecture de cet article de Yves Darricau paru dans la revue Abeilles en liberté :

Article paru dans Abeilles en liberté

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