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Annus horribilis

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Le contexte:

Ma mère étant le parfait sosie de la reine Elisabeth II, à moins que ce ne soit le contraire, je me permets de lui (la reine) emprunter cette expression, annus horribilis Parce que comment qualifier cette année apicole autrement ?

Rappel sur l’année apicole:

En gros elle démarre en février avec les premiers pollens (noisetier sous nos latitudes) pour se terminer en octobre avec les derniers nectars, le lierre principalement. Dans cette période, l’apiculteur doit faire ses essaims et produire du miel.

Production de miel: annus horribilis !

Quatre cas de figure :

Ici en Haute-Ardèche on peut espérer faire 2 récoltes de miel, quand on a des ruches sédentaires s’entend. Une fin juin qu’on qualifie de miel de printemps : essentiellement pissenlit, fruitiers, prunelier et aubépine (et beaucoup d’autres fleurs). Et une mi-août, qu’on dénommera miel d’été : surtout ronce, châtaignier et serpolet (et beaucoup d’autres fleurs).

Donc, selon les conditions météo et de floraison 4 cas de figures se présentent à l’apiculteur :

  • Annus mirabilis (année miraculeuse pour les noms latinistes distingués dont je fais partie) : deux belles récoltes de printemps et d’été
  • Une belle récolte de printemps et une moyenne récolte d’été (année 2020)
  • Une moyenne récolte de printemps et une belle récolte d’été
  • Deux mauvaises récoltes de printemps et d’été

Vous l’aurez compris, 2021 rentre dans ce dernier cas. Voire pire puisque récolte de printemps, point ! Nada !

Petit rappel sur la vie d’une colonie :

En sortie d’hiver si tout va bien la colonie est encore populeuse et il reste des réserves. Dès les premières ressources disponibles la reine reprend sa ponte pour le couvain de printemps amené à remplacer les abeilles d’hiver en fin de vie. Puis, dès l’arrivée des premiers nectars les butineuses commencent à reconstituer les réserves de la colonie en même temps que le couvain s’agrandit. Si tout va bien on arrivera à la première miellée avec des réserves déjà constituées dans le corps de ruche et une grosse population. Ne reste plus qu’à remplir le grenier à miel.

Problèmes de 2021 :

  • des gelées qui ont régulièrement brûlé les fleurs
  • des pluies abondantes qui ont délavé les nectars des fleurs
  • pluie et froid combinés ou en alternance qui ont empêché les abeilles de sortir butiner
  • dans ces conditions les reines ont régulièrement bloqué leur ponte. Avec pour conséquence des manques de butineuses pendant les rares moments où elles avaient la possibilité de butiner.

En conséquence, les colonies ont été dans l’impossibilité de reconstituer leurs réserves, j’ai dû même les nourrir très régulièrement au risque qu’elles ne meurent de faim. Les colonies ont stagné et ne se sont pas développées comme prévu en cette saison. Et bien sûr dans ces conditions aucune possibilité de produire du miel. Voilà pour le printemps.

Pour l’été, malheureusement froid et pluie ont continué. Les ressources étaient en abondance ce qui a permis aux colonies, pendant les rares belles journées, de se développer et de constituer des réserves. Mais dans ces conditions faire du miel devient hypothétique. De plus, comme la plupart d’entre vous doit le savoir, pour produire notre miel en rayon et notre miel pressé nos abeilles doivent fabriquer les alvéoles de cire au fur et à mesure qu’elles rentrent du nectar. Sur une année normale cela se fait très bien, mais pas cette année bien sûr. De plus nous avons posé les haussettes mi-juillet (pour mi-avril en 2020) c’est-à-dire bien après le solstice d’été, signe pour les abeilles que la saison est rentrée dans une nouvelle phase. Elles commencent à avoir l’hivernage en tête et dans ces conditions la construction de nouvelles cires devient compliquée.

Nous avons fait le choix de proposer le meilleur miel possible, cela passe par son stockage dans de la cire produite de l’année et non dans de vielles cires. C’est le prix à payer et nous assumons cette apiculture.

Production d’essaims : annus horribilis !

Petit rappel sur la production d’essaims :

Pourquoi produire des essaims ?

Déjà pour renouveler son cheptel. Des colonies meurent, c’est dans l’ordre des choses. Et nous avons eu notre lot cette année…Et aussi pour développer son cheptel, ce qui était un de nos objectifs de l’année.

Pour cela il faut remplir plusieurs conditions :

  • avoir des colonies déjà bien développées avec au moins 6 cadres de couvain
  • avoir des mâles d’au moins 45 jours pour une meilleure fertilité
  • que les colonies aient déjà suffisamment de réserves puisqu’on va répartir les cadres dans des ruchettes
  • et évidemment des conditions météo qui permettront le vol nuptial de la reine en temps voulu.

Grosso-modo, ici on peut espérer faire une campagne d’essaimage de début mai à fin juin.

Annus horribilis !

Malheureusement là encore toutes les conditions n’ont jamais été réunies en même temps. J’ai même observé au plus mauvais du printemps que les colonies se débarrassaient des mâles. Elles en ont refait après mais c’était déjà trop tard. Le principal souci a été l’absence de ressources. J’aurais pu palier à cela en nourrissant à outrance. Je me refuse à faire cela pour plusieurs raisons, la principale étant que le sirop de nourrissement peut se retrouver dans le miel et dans ce cas il s’agit de fraude. Pour éviter cela il faut nourrir juste comme il faut : pas trop pour la raison évoquée et suffisamment pour que les colonies ne meurent pas de faim.

Donc pas d’essaims pour nous cette année !

Conclusion:

J’écris cet article le 10 août. Le beau temps semble vouloir s’installer. J’ai commencé les traitements contre le varroa qui a dû bien profiter des conditions froides pour se développer. Normalement, les colonies vont avoir tout le temps de se constituer des réserves pour l’hiver. En tout cas lors de la dernière visite c’était prometteur. Pour nous l’objectif est de préparer au mieux l’hivernage pour que nos colonies démarrent au mieux la prochaine saison qui nous l’espérons sera meilleure que 2021. Pire cela parait vraiment difficile. Annus horribilis en 2021, peut-être annus miribalis en 2022…

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